Il y a près de 5 ans, quand Vicky Potvin et ses six complices ont créé la boulangerie Merci la Mie, ils ne se sont posés que 2 questions : bio ou pas bio, coop ou pas coop? Aux deux questions, et après moult réflexions, tout le monde a répondu oui. C’est ainsi qu’est née, en pleine pandémie, la boulangerie artisanale la plus originale de la région. Originale, dans le sens de distincte.
On y fait du pain et des viennoiseries de qualité bien sûr, mais on fait plus que cela. Merci la mie est une coopérative de solidarité. Elle est gérée et administrée par les membres travailleurs et producteurs qui partagent tous les mêmes valeurs, à savoir, tout mettre en œuvre pour respecter la santé humaine et celle des écosystèmes, d’en faire un véritable modèle d’affaires écoresponsables. Ainsi, toutes les actions de l’entreprise collective, du choix des farines jusqu’aux contacts avec les clients en passant par les méthodes de production, le transport et l’emballage, absolument tout est décidé en tenant compte de la santé humaine et de celle des écosystèmes. Un pari de taille !
Des valeurs sur lesquelles s’appuyer
Vicky Potvin raconte : « même si on a démarré ça à toute vitesse, on a quand même pris le temps de décider des valeurs qui nous guideraient dans notre travail. Il ne nous restait plus qu’à les mettre en œuvre. » Mais une fois qu’on a dit cela, un plan en DD (développement durable) ça ne s’improvise pas. Aucune organisation, aucune entreprise ne peut partir à l’aveuglette dans un tel projet.
Les fondateurs de Merci la mie l’ont compris dès le départ. « On savait ce que l’on voulait faire, mais on savait aussi qu’on n’était pas des experts en DD. Alors, dès 2020 on a travaillé avec l’Activateur du Centre québécois de développement durable (CQDD). C’est un outil diagnostique qui a été très efficace. Ça nous a rassurés. Déjà on faisait bien des choses correctement, mais surtout, ça nous a permis d’élaborer un plan d’action avec des énoncés clairs. Avec cela, on savait où on s’en allait. »
Des résultats impressionnants
Moins de 5 ans après l’ouverture de la boulangerie, les résultats sont impressionnants. Attardons-nous aux principales actions. La recherche de la farine idéale a nécessité une attention particulière. La farine c’est 90% des intrants d’une boulangerie. Pour la farine de blé, Merci la mie a choisi celle du Moulin de Charlevoix, moulue sur pierre. Une farine biologique qui offre une qualité nutritive supérieure à la plupart des farines sur le marché. En plus, elle est à peine à 200 kilomètres de la boulangerie. C’est la même chose pour la presque totalité des autres intrants nécessaire à la production des pains de spécialité et autres viennoiseries : l’avoine bio vient de la ferme Olofée de Saint-Félicien, l’huile ainsi que les mélanges de céréales multigrains bios de la ferme Tournevent d’Hébertville, les framboises des Vergers Marie-Soleil de Roberval et le beurre de la Laiterie de la Baie. On peut affirmer qu’on a créé là une véritable chaine d’approvisionnement en circuits courts.
Est-ce que c’est bon ?
Et si vous vous demandez si tout cela fait du bon pain, la réponse est oui. En 2022, Merci la mie a gagné le prix du meilleur pain de la région ! Soyons chauvins un instant : cela, uniquement avec des ingrédients régionaux !
« Bien sûr qu’on est fiers de cela nous dit Vicky Potvin, le sourire dans la voix, mais on ne s’arrête pas là. Aujourd’hui, on est aussi contents de tout ce que l’on a mis en place pour le compostage, la récupération et les matières résiduelles. Pour cela, on est en plein dans l’économie circulaire. » Des exemples : la boulangerie récupère la drêche (résidu de céréales) de la microbrasserie la Bercée d’Hébertville pour en faire de la pâte à pizza qu’elle lui retourne pour sa cuisine. Pour ce qui est des invendus, ils sont acheminés vers Moisson Alma et pour ce qui est moins frais vers un éleveur de poules. Il semble qu’elles en raffolent.
Tout cela est louable, mais parlons d’argent, est-ce que cela a donné des résultats ? Encore là, la réponse est oui. En trois ans, le chiffre d’affaires a doublé pour la boulangerie. Les ventes augmentent à la boulangerie directement sur la rue Collard à Alma, mais également dans la dizaine de points de vente de la région.
Vicky Potvin et ses collègues sont conscients qu’il reste du travail à faire. « Nos gros fours et nos congélateurs sont de grands consommateurs d’énergie, on le sait. Ça fait partie des défis à relever à plus long terme. » Récemment, ils ont acquis un appareil qui permet d’évaluer exactement la température de l’eau au sortir du robinet. Plus besoin de laisser couler l’eau inutilement, ce dispositif permet d’ajuster immédiatement la température de l’eau, sans délai. Fini le gaspillage d’eau. Au niveau des emballages, il n’y a pas de sacs en plastique au comptoir pour la vente des pains frais (seulement pour les invendus) et les sacs en papier sont écoresponsables certifiés FSC.
Des valeurs sociales
Ce qu’il y a derrière tous ces choix, ce sont aussi des valeurs sociales.
D’abord, une volonté affirmée d’offrir aux employés un environnement sain et valorisant, produire des aliments de grande qualité exempts de produits de synthèse et d’intrants chimiques, soutenir l’économie locale et contribuer au développement de la production biologique dans toute la région. Les associés de Merci la mie ont à cœur ce nouveau chantier pour édifier une filière régionale en céréales et pain biologiques. Le savoir-faire en ce domaine existe dans la région, ne reste qu’à le partager et à l’étendre entre céréaliers, meuniers et boulangers. Le travail entrepris par cette boulangerie ne peut qu’avoir un effet d’entrainement.
À la fin de la journée, quand on demande à Vicky Potvin pourquoi elle fait tout cela. Elle répond : « À travers toutes mes préoccupations sur l’état de la planète, j’avais besoin de faire quelque chose de concret. Et puis, pour être heureux, je crois qu’il faut que la somme de nos gestes quotidiens ait un sens. » Merci l’amie !
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Par Errol Duchaine
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Photo 1 / Une partie de l’extraordinaire équipe Merci La Mie : Casimir Belleau, Léa Soulet et Jeanne Tremblay
Photo 2 / Le conseil d’administration de Merci la Mie: Muriel Saliou, Marie-Pascale Beaudouin, Réjean Côté, Johanne Côté et Vicky Potvin