Vous connaissez la règle du prix le plus bas ? Bien sûr, c’est ce qui guide bien des consommateurs dans leurs achats et tout autant d’entrepreneurs dans le choix de leurs fournisseurs. 

Dans le monde des affaires, on s’est d’ailleurs longtemps soumis à cette seule règle, comme s’il s’agissait d’une dictature et d’une garantie de rentabilité. Mais c’est de moins en moins le cas. L’approvisionnement responsable gagne du terrain. Une posture qui s’inscrit dans tout ce mouvement de l’adoption de pratiques d’affaires écoresponsables par un nombre croissant d’entrepreneurs et de gestionnaires d’organisations.

Établissons d’emblée que les principes qui définissent l’approvisionnement responsable sont simples. L’objectif est d’acquérir un produit ou un service qui a le moins d’impact possible sur l’environnement, en plus d’avoir des retombées sociales et économiques positives. Et, bien que les valeurs environnementales priment, les valeurs sociales et de bonne gouvernance sont aussi à prendre en compte dans ce choix. 

La Boulangerie Farine

Casimir Belleau, propriétaire de la Boulangerie Farine, rue Collard à Alma, souscrit à ces valeurs.

« Pour moi, il ne saurait en être autrement. Cela dit, il y a plusieurs paliers dans notre démarche d’approvisionnement responsable. Il y a bien sûr la provenance. On ne veut pas qu’il y ait trop de carburant brûlé, il y a la qualité du produit, il y a le partage de nos valeurs de coopération, et il y a aussi le bio. »

Le boulanger et son équipe se sont donné une règle simple pour la provenance des produits qui entrent chez Farine. La règle c’est celle du 90/5/5. 90 % de l’approvisionnement doit venir de 150 kilomètres et moins de la boulangerie, 5 % de plus loin, mais toujours au Québec et 5 % de n’importe où ailleurs.

« Ce 5 %, c’est comme un petit bonbon qu’on s’offre, nous confie Casimir Belleau. S’il y avait du chocolat 100 % québécois, je serais au ciel, mais en attendant, on s’offre des produits étrangers qui nous permettent d’avoir une certaine liberté créatrice. » 

Soulignons que la farine est exclue de ce calcul du 90/5/5. Puisque la farine constitue 95 % des intrants et qu’elle est entièrement régionale, ce serait donc trop facile d’atteindre cet objectif de l’achat de proximité. 

Attardons-nous un peu sur le biologique qui est la règle chez Farine. Cette valeur est tellement importante que récemment, la boulangerie a abandonné le pain de tournesol.

« Il était très apprécié de notre clientèle, nous dit Casimir Belleau, mais il nous était impossible de nous fournir localement en bio. Notre farine de tournesol venait d’Albanie. Imaginez ! Alors, on ne fera plus de ce pain. »

Cela dit, il arrive qu’on fasse une petite entorse à cette règle du bio, mais ce n’est pas contradictoire, cela témoigne d’une autre valeur de l’approvisionnement responsable.

« Oui, on travaille aussi avec la Fromagerie Lehmann. Ils ne sont pas certifiés bio, nous précise Casimir Belleau, mais on sait qu’ils ont des pratiques éthiques exemplaires et qu’ils sont très respectueux de l’environnement. On partage les mêmes valeurs. » 

On peut dire que Casimir Belleau est de ceux dont les bottines suivent les babines. Il encourage l’approvisionnement responsable chez ses employés. Tous ceux qui travaillent à temps plein ont droit à un bon d’achat de 200 $ chez Nord-Bio qui est une coopérative qui regroupe plus de 50 producteurs agricoles biologiques de la région. 

Le partage des valeurs chez Délice du Lac-Saint-Jean

Le partage des valeurs, c’est aussi de cela que nous parle Émilie Gaudreault, la propriétaire des Délices du Lac-Saint-Jean. Une entreprise toute dédiée à la transformation du bleuet, dont 60 % des intrants sont produits en régie biologique.

« Pour moi, nous explique-t-elle, on n’est pas qu’une entreprise, on ne fait pas que du commerce, on veut travailler avec des partenaires qui partagent nos valeurs et qui font une différence dans la communauté… Entre autres, aujourd’hui, on met aussi l’accent sur la santé dans notre façon de produire et ça aussi, ça fait partie de nos critères pour le choix de nos fournisseurs ».

Entendez par là qu’il est exclu qu’elle s’approvisionne chez quelqu’un qui travaille avec des produits de synthèse ou des intrants chimiques. 

« Revenons aux valeurs, poursuit-elle, c’est pour cela que l’achat local n’est pas une finalité pour moi. Si j’achète chez un fournisseur de Dolbeau, mais qui s’approvisionne en Chine, ça n’a aucun sens. »

Tous les secteurs y sont conviés

Bien sûr, il n’y a pas que la transformation alimentaire qui peut appliquer les principes de l’approvisionnement responsable. Absolument tous les secteurs peuvent le faire. Chez Contact nature, on a pris ce virage il y a déjà un bon moment. Contact nature, c’est une importante organisation dans la région. Un OBNL qui gère 11 000 hectares d’espace en grande nature : des campings, des villages de pêche blanche, toutes les activités récréotouristiques de la rivière à Mars, du sentier Eucher, du Centre plein air Bec Scie ainsi que les activités d’Okwari aventure. 

On achète de tout, des milliers et des milliers de dollars d’équipement.

« Tous nos fournisseurs ont une cote selon différents critères d’approvisionnement responsable nous explique le directeur général, Marc-André Galbrand. On s’attarde, entre autres, à la localisation du siège social, à la provenance de ce qu’ils vendent et à leur proximité avec nous. L’idéal ce sont des canots, des gilets de flottaison, de la vaisselle, des tentes et j’en passe, fabriqués ici avec des produits écoresponsables d’ici et vendus ici. Mais ce n’est pas toujours possible. »

On comprend que Contact Nature ne tient pas compte que de la provenance, d’autres critères sont considérés pour le choix des fournisseurs.

« Pour cela, poursuit Marc-André Galbrand, nous avons sur nos bons de commande des questions qui s’adressent à nos partenaires et qui correspondent à nos propres engagements en développement durable. » 

Précisons que la direction de Contact nature délègue à des employés la gestion et la bonne marche de plusieurs sites.

« Il est fréquent, nous explique Marc-André Galbrand, que de nos employés aient le réflexe de s’approvisionner chez le moins cher, ou d’aller vers le plus facile, surtout dans l’alimentaire, par exemple en utilisant des contenants jetables. Mais dès qu’on leur en fait prendre conscience, l’ouverture est là et les changements s‘opèrent rapidement. Ce que l’on valorise en alimentation, c’est le bio, l’équitable et le local. On sait que le spectre est large, ce n’est pas toujours possible de répondre à tous ces critères, mais on fait pour le mieux à chaque fois. »

On comprend d’emblée que le respect de l’environnement c’est non négociable chez Contact Nature et les exigences envers les fournisseurs sont élevés en ce sens. Toutes les entreprises qui interviennent sur le terrain doivent montrer patte blanche et sont surveillées de près. Mentionnons, par exemple, que les entreprises qui utilisent de la machinerie pour fabriquer des ponts de glace pour la pêche blanche doivent obligatoirement utiliser de l’huile végétale. Ce n’est pas une obligation dans les eaux fédérales, mais ça l’est chez Contact Nature. Tant mieux. 

C’est tout cela, l’approvisionnement responsable. Beaucoup de choses ? Oui. Mais rassurez-vous, comme vous le diraient tous les Casimir, Émilie et Marc-André, l’important ce n’est pas de tout faire dès le premier jour, mais de commencer et de s’améliorer progressivement.

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Par Errol Duchaine, conseiller en communication au CQDD