« On assiste actuellement à un changement à vitesse grand V dans l’événementiel au Québec. Les pratiques écoresponsables ne sont plus l’affaire de quelques festivals, mais sont en train de devenir la règle, nous dit Dominique Malo, de l’équipe de direction du Regroupement des festivals régionaux artistiques indépendants (Le REFRAIN). »
Pourquoi ? Parce que c’est nécessaire. Les effets néfastes des milliers de colloques, congrès, salons et festivals sont majeurs. Seulement au Québec, on parle de milliers d’événements par année qui attirent des millions de personnes. Alors, imaginez ce que ça représente, en déchets, en émission de GES, en surconsommation de papier, de ressources en eau et en énergie. Énorme !
Au REFRAIN, la plupart des 115 festivals régionaux membres de ce regroupement adoptent d’importantes mesures pour minimiser les effets néfastes de leurs événements. Le festival La Noce à Saguenay, membre de ce regroupement, est de ceux-là.
« Dès la création de La Noce, nous dit Fred Poulin le directeur général, on voulait faire quelque chose de différent. On voulait que notre festival se distingue autant dans ce que l’on propose aux gens du point de vue artistique que dans la manière de faire. Alors, créer un événement écoresponsable, ça allait de soi. »
Et tant qu’à faire pourquoi ne pas faire cela en grand ! Faire cela en grand, c’est suivre les exigences du Bureau de normalisation du Québec (BNQ) et d’obtenir une certification. Cette norme d’événement responsable, la 9700-253, prévoit tout, en amont comme en aval. Les catégories qui regroupent les 41 exigences sont : le choix des fournisseurs, la gestion du matériel et des ressources, la gestion des matières résiduelles, le transport, l’offre alimentaire, la protection des milieux naturels et les pratiques sociales. Est-ce qu’on est obligé de passer par cette norme pour rendre notre événement plus écoresponsable ? Bien sûr que non, 41 exigences, ça peut faire peur et même décourager. Mais en se basant sur cette norme, on voit tout ce qui peut être entrepris par une organisation.
Ce qui se fait sur le terrain

Faisons l’exercice. Pour tout événement public, on sait que la gestion des matières résiduelles est un des plus gros défis à relever.
« Pour arriver à réduire nos déchets au minimum, nous explique Fred Poulin, nous avons une équipe qui s’occupe de tout ce qui concerne la gestion des déchets et qui fait de la sensibilisation auprès des festivaliers et en plus, on s’est adjoint une brigade verte. Ce sont des jeunes de la Maison des jeunes de Saguenay qui trient absolument tout ce qui se mange et se boit sur le site de la Vieille Pulperie (NDLR : le seul site où se déroule l’entièreté du festival). Des jeunes qui, en échange, ont accès à tout ce que propose le festival et qui en plus gardent l’argent de la revente des contenants consignés. »
Il va sans dire que les bouteilles de plastique sont proscrites, ainsi que tout autre contenant à usage unique. Les stations d’eau alimentées par les systèmes d’aqueduc des municipalités sont maintenant monnaie courante, tout comme le recours aux brigades vertes.
Toujours au chapitre de la réduction du matériel, là où on constate un virage à 180° c’est pour le papier. Dominique Malo, du REFRAIN, nous affirme que :
« chez nos membres, il n’y a plus de festival qui offre des programmes en papier. C’est même mal vu de la part des festivaliers qu’on leur en offre. Il y a aussi de moins en moins de pancartes et elles sont conçues, comme le reste du matériel d’affichage, pour qu’elles puissent être réutilisées. Les billets sont tous électroniques et on n’utilise à peu près plus de cocardes. »
Au REFRAIN, on a créé une application de partage de matériel : ACCÈS.
« On en est très fiers, d’encourager la mutualisation d’équipement, nous dit Dominique Malo. Par exemple, de gros cubes pour asseoir du public et qui ne sert plus pour un événement est offert à un autre. Mais, plus que cela, on a vu de gros appareils de sonorisation qui valent des fortunes être prêtés par un important festival à un plus petit. »
On parle à la fois d’économie circulaire et d’économie d’argent.
Ah ! Le transport
Que dire du transport ? Bien sûr, si on cherche du public, les gens vont devoir se déplacer pour assister à l’événement. Pour cela, la solution est simple : la promotion du transport en commun et du covoiturage. On voit de plus en plus de sociétés de transport offrir des gratuités aux festivaliers durant ces grands événements. C’est le cas à Saguenay avec la Société de transport de Saguenay (STS). De plus, La Noce tout comme le Festival international du court métrage REGARD, ont leur propre navette pour certains trajets névralgiques. Cela dit, il reste encore des déplacements qui émettent des GES, voilà pourquoi sur le site du Festival REGARD on propose de compenser ces émissions en dirigeant ceux qui le désirent vers Carbone boréal (centre de recherche de l’UQAC qui offre un programme de compensation). Le Festival s’est également associé au service de covoiturage Amigo Express qui propose sur son site une « Destinations Regard ». L’approvisionnement local est également une pratique qui se généralise. Plus proche, c’est moins de route. Et idéalement, ce que l’on cherche ce sont des entreprises locales, mais qui, en plus, partagent ces valeurs d’écoresponsabilité.
Le Conseil québécois des événements écoresponsables
On constate que le déploiement des pratiques écoresponsables prend de l’ampleur. Un des plus importants acteurs de ce mouvement au Québec est sans contredit le Conseil québécois des événements écoresponsables (CQEER). Ce centre est de ceux qui sont à l’origine de la création de la norme 9700-253 du BNQ. Sophie-Laurence H. Lauzon, la co-directrice du CQÉÉ nous dit :
« C’était essentiel. Ce travail doit se faire. Le public le demande, les municipalités poussent aussi dans ce sens et des bailleurs de fonds l’exigent. »
On pense au ministère du Tourisme, à Recyc-Québec ou à Loto-Québec qui effectivement appliquent des exigences d’écoconditionnalité pour l’accès à certains programmes d’aide financière.
Sophie-Laurence H. Lauzon poursuit :
« On constate que tout cela a un effet d’entraînement d’un événement à un autre, mais également dans leur milieu. Ces événements sont ancrés dans leur communauté et il est avantageux pour tout le monde de démontrer une réelle préoccupation pour l’écoresponsabilité. On voit même que ceux qui ne s’en préoccupent aucunement ont mauvaise presse. »
Cela dit, il est de plus en plus facile de trouver du support et de l’information au Québec pour réduire au minimum l’empreinte environnementale de tous ces événements. On voit maintenant que d’importants centres de congrès, des chambres de commerce, des municipalités, ainsi que des organismes de développement économique offrent des conseils, de la formation et même des ressources matérielles pour rendre plus facile ce défi de l’écoresponsabilité.
Dans un avenir proche, si vous avez à organiser un événement, son succès pourrait aussi dépendre de son écoresponsabilité. Sophie-Laurence H. Lauzon de conclure :
« C’est un mouvement qui est en voie de se généraliser, pour le mieux-être de tous. »
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Par Errol Duchaine, conseiller en communication au CQDD
Photo 1 : Brigade verte, La Noce
Photo 2 : Fred Poulin, directeur général, La Noce, et sa brigade de futurs bénévoles